Appel à communications : " Vers une sociologie politique des sciences ? " (Assoc Française de Sciences politiques) - DATE LIMITE : 15 OCTOBRE 2012

Yann Bérard & Antoine Roger organisent une section thématique du prochain congrès de l’Association française de science politique (Paris, 9-11 juillet 2013 - http://www.congres-afsp.fr/ ) sous le titre "Vers une sociologie politique des sciences ?". Nous souhaitons qu’elle prenne une forme pluridisciplinaire. Vous trouverez ci-dessous le texte de l’appel à communication (la date limite est fixée au 15 octobre). N’hésitez pas à y répondre et à le diffuser.

Bien cordialement,


Section thématique n°20. Vers une sociologie politique des sciences ?

Organisateurs

  • Yann
 Bérard
 Centre 
Émile
 Durkheim,
 Sciences
 Po 
Bordeaux
 
y.berard@sciencespobordeaux.fr
 

  • Antoine
 Roger
 Centre 
Émile
 Durkheim,
 Sciences
 Po 
Bordeaux
 
a.roger@sciencespobordeaux.fr


Tout en s’accompagnant d’une multiplication des dispositifs qui visent à favoriser les interactions entre chercheurs, citoyens, pouvoirs publics et industries, la production et l’utilisation de connaissances scientifiques font l’objet de fortes régulations politiques et entretiennent des échanges asymétriques. Ces questions ne font pas l’objet d’un traitement systématique dans les travaux disponibles.

Le choix d’études de cas intensives pour étudier et rendre compte des phénomènes de traduction ou de « coproduction » a fortement marqué la sociologie des sciences au cours de ces dernières années. Aujourd’hui prédominants dans le paysage des science studies, les travaux qui mobilisent la théorie de l’« acteur-réseau » et ses dérivés tendent à se concentrer sur la description de certains processus d’innovation. Ce faisant, ils ne rendent guère compte des inégalités qui caractérisent la distribution sociale des savoirs. Une autre limite de ces approches, d’ordre à la fois méthodologique et épistémologique, provient du déséquilibre observé entre la multiplication des études monographiques et la relative absence de travaux comparatifs – qu’il s’agisse de comparaisons dans le temps, entre les « succès » et les « échecs » d’une même entreprise scientifique, ou de comparaisons dans l’espace, entre les logiques qui président à la hiérarchisation des constructions savantes, les configurations des groupes impliqués dans la recherche, les mécanismes de circulation ou de transfert, etc. Or, le raisonnement comparatif reste indispensable pour arriver à des généralisations contrôlées. En l’absence d’une telle démarche, le risque encouru est d’extrapoler à partir de micro-études reliées entre elles par un vocabulaire à visée avant tout descriptive.

La section thématique vise à renouveler la réflexion sur les relations entre sciences et pouvoir, en mobilisant les outils de la sociologie politique comparative. Elle invite plus spécifiquement à considérer l’ancrage des recherches scientifiques et techniques dans des systèmes de relations structurés et hiérarchisés. Dans cette optique, deux sessions sont proposées :

1) Une première session permettra d’étudier les effets politiques des sciences de la vie et de la nature. Dans les sciences sociales, l’exigence de réflexivité est régulièrement posée : qu’il s’agisse de leur positionnement face aux médias, aux pouvoirs publics ou aux entreprises privées, les chercheurs ont pris pour habitude de s’interroger sur l’onction scientifique donnée à des catégories de sens commun. Qu’en est-il de cette posture dans les sciences de la vie et de la nature ? La session se propose à la fois de déplacer et d’étendre le regard réflexif que portent les sciences sociales sur leurs propres pratiques et usages sociaux en direction des sciences dites « dures ». Dans cette perspective, il conviendra de s’interroger sur la consolidation de certaines catégories d’action et de pensée par l’autorité de la science, la définition implicite de modes de vie et de formes économiques légitimes qui en procède, ou encore leur instrumentalisation par des « entrepreneurs de cause ». L’objectif de cette session est de prendre en compte plusieurs sciences (médecine, biologie, physique, agronomie, etc.) pour comprendre leur structuration différentielle et leurs rapports avec la prise de décision politique.

2) Une seconde session nous amènera à étudier les inégalités d’influence et de distribution sociale des savoirs. Depuis plusieurs années, on retrouve dans de nombreux travaux de sociologie des sciences (ou inspirés par elle) le postulat d’une participation de plus en plus large des citoyens, qui neutraliserait certains des enjeux relevés plus haut, en permettant à chacun de « maîtriser » les découpages introduits par la science – ou de les orienter à tout le moins. Or, ces orientations ne sont pas exemptes de logiques de pouvoir et d’effets performatifs, qui peuvent contribuer à gommer la production de certains groupes mobilisés ou à délégitimer certaines actions, voire à masquer la persistance de formes d’encadrement plus traditionnelles et à favoriser la production de consensus au détriment de la pluralité des savoirs. Pour mieux rendre compte de tels mécanismes, la seconde session insistera sur les inégalités d’influence et de distribution des savoirs à l’œuvre entre groupes sociaux (hauts fonctionnaires, experts, entreprises, groupes d’intérêt, etc.) lorsque la science est mobilisée. Un autre objectif sera de croiser les réflexions sur les dispositifs d’« évaluation interactive » des recherches scientifiques (Interactive Technology Assessment) avec celles qui portent sur la « démocratie participative ».

Compte tenu des enjeux méthodologiques relevés plus haut, l’exploration de ces thématiques devra faire une large place aux démarches comparatives, orientées deux directions : des comparaisons dans le temps permettront de développer une sociologie historique de la structuration des sciences et de l’évolution des régimes de production des savoirs ; des comparaisons transnationales poseront la question de savoir ce que change la structuration de réseaux de recherche élargis, souvent contrôlés par une puissance dominante, et préciseront dans quelle mesure l’utilisation d’une organisation transnationale peut servir à imposer certaines catégories savantes, contre des formes de savoirs légitimées à d’autres échelles d’action et de gouvernement – que ce soit à travers le relais d’ONG, l’appui d’organisations internationales, ou par le prisme des relations entre « centres » et « périphéries » scientifiques.