Localisation et circulation des savoir-faire en Afrique
19 et 20 Mars 2009
Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme – 5 rue du Château de l’Horloge, 1390 – Aix-en-Provence
Les « savoirs locaux » émergent comme un thème transversal à de nombreuses recherches sur les savoirs et les savoir-faire de l’Afrique contemporaine. Ce colloque vise à conférer une position centrale à ce thème et à cette notion, propre à les interroger dans plusieurs domaines : les productions agricoles et agro-alimentaires, les artisanats et petites entreprises, les pratiques sanitaires... La circulation accélérée des biens, des savoirs et des hommes tout comme la multiplication des dispositifs de valorisation des ressources et des activités locales réactivent nécessairement la question du sens du local et en particulier celle de « l’origine » en relation avec un lieu ou un territoire. Elles nous incitent aussi à nous intéresser aux choix et décisions des acteurs locaux, ainsi qu’aux contenus attendus de leur efficacité technique et symbolique, voire politique.
Annonce
Colloque organisé par Pascale MOITY-MAIZI & Bruno MARTINELLI
19 et 20 Mars 2009
Institutions : Supagro Montpellier (UMR Innovation), CEMAf-Aix (UMR CNRS 8171), Programme Sysav (ANR) et Université de Provence
Lieu : Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme – 5 rue du Château de l’Horloge, 1390 – Aix-en-Provence
Programme et appel à communications
Les « savoirs locaux » émergent comme un thème transversal à de nombreuses recherches sur les savoirs et les savoir-faire de l’Afrique contemporaine. Ce colloque vise à conférer une position centrale à ce thème et à cette notion, propre à les interroger dans plusieurs domaines : les productions agricoles et agro-alimentaires, les artisanats et petites entreprises, les pratiques sanitaires... Les savoirs locaux africains relèvent de processus et de tendances qui diffèrent si profondément des processus européens que cela rend la confrontation pertinente et ouvre de nouvelles perspectives théoriques.
L’anthropologie comme d’autres champs disciplinaires attachés aux démarches empiriques qui mettent en relief les pratiques, les points de vue et les savoirs locaux, ne peut se contenter d’une analyse de ces processus qui opposerait le global au local, l’économie mondialisée à des cultures spécifiques. La circulation accélérée des biens, des savoirs et des hommes tout comme la multiplication des dispositifs de valorisation des ressources et des activités locales réactivent nécessairement la question du sens du local et en particulier celle de « l’origine » en relation avec un lieu ou un territoire (Moity-Maïzi, Muchnik, 2006). Elles nous incitent aussi à nous intéresser aux choix et décisions des acteurs locaux, ainsi qu’aux contenus attendus de leur efficacité technique et symbolique, voire politique. En perspective, ce sont donc aussi les « supports » et réseaux de leur reconnaissance (professionnelle, identitaire, économique…) qui se révèlent comme des enjeux essentiels, notamment pour les groupes amenés à construire, avec l’appui d’ONG par exemple, un processus de valorisation de leurs ressources et savoir-faire.
Dans un monde aux frontières dissoutes par la mobilité des capitaux et des moyens de production, la globalisation serait source d’érosion des localités (Dufy, Weber, 2007). Les délocalisations industrielles, la fluidité des relations de travail et d’échanges provoquent en effet un processus général de déterritorialisation (Appadurai, 1996). La flambée des cours mondiaux des denrées alimentaires depuis 2007, les émeutes de la faim en 2008, remettent par ailleurs en cause les orientations politiques agricoles, internationales et nationales. Le développement agroalimentaire envisagé à partir d’une (re)valorisation des ressources locales est ainsi à l’ordre du jour de tous les programmes. Or, la localisation des ressources, des compétences, des savoirs et des activités ne se décrète pas. C’est un processus complexe dans la durée, dépendant de conditions macroéconomiques certes mais également de choix techniques et professionnels, de formes et dispositifs normatifs de reconnaissance, de cultures techniques et alimentaires,… autant de conditions spécifiques, locales, inscrites à la fois dans des logiques individuelles et collectives..
L’investigation renouvelée des phénomènes de localisation/délocalisation, des valeurs et choix associés au « local », de leurs traductions marchandes, territoriales, identitaires et politiques, apparaît d’autant plus nécessaire en sciences sociales que se développent aujourd’hui de multiples politiques et outils institutionnels pour protéger d’une part des ressources biologiques, d’autre part des savoirs associés à leur exploitation, à leur transformation et à leurs usages (suites à la Convention de la Biodiversité, 1992) qui valorisent et médiatisent la notion de « savoir-faire locaux », en relation avec des identités culturelles et des spécificités écologiques. La présence d’institutions de propriété intellectuelle (comme l’OAPI à l’échelle de l’Afrique centrale et de l’ouest par exemple), fournit un cadre politique de renforcement des cadres juridiques de protection des ressources locales. La construction de signes de qualité constitue dans ce cadre une option possible pour valoriser en même temps que protéger certains produits façonnés à partir de ces ressources spécifiques. Face à la réalité historique des mouvements incessants d’emprunts, d’hybridations et de réinvention des techniques, des savoir-faire et des produits, notamment dans la plupart des secteurs de l’artisanat et de la petite entreprise urbaine, en particulier dans le secteur agro-alimentaire, les démarches de protection et de certification se heurtent d’une part à l’épineuse question de leur antériorité ou de leur origine culturelle, d’autre part à la difficulté de circonscrire des lieux de référence pour cette catégorie, « locale », attachée à des ressources matérielles et cognitives. Ces assignations présentent des risques évidents d’exclusion, de hiérarchisation ou de stigmatisation, qui apparaissent dès que l’on se charge d’identifier des acteurs pour représenter ces « savoir-locaux », au risque de voir émerger de nouvelles configurations identitaires, politiques, qui dépassent le cadre formel d’une démarche de protection ou de qualification de ressources.
Historiquement, l’ethnographie des techniques et savoir-faire, en Afrique comme ailleurs, a consacré une grande partie de ses travaux aux phénomènes de circulation, de métissage ou d’hybridation qui touchent aussi bien des ressources matérielles marchandes et non marchandes que des groupes artisans, des techniques ou plus largement des cultures… La tradition est constamment réinventée pour de nouveaux enjeux d’avenir, autant économiques que professionnels ou politiques. De son côté depuis une dizaine d’années, l’anthropologie économique souligne l’importance des savoirs, des valeurs, impliqués dans tout acte économique en même temps qu’elle propose une relecture des échanges et des institutions ou réseaux économiques dont les dimensions locales, territorialisées, paraissent déterminantes. Diverses questions émergent alors des collaborations entre ces champs de l’anthropologie : la localisation des ressources par des démarches (officielles ou non) de valorisation, de différenciation ou de qualification, permet-elle de les « reconnaître » dans leurs dimensions plurielles ? Que reconnaît-t-on réellement au fond et quels sens les acteurs locaux donnent ils à ces démarches ou processus ?
A partir de travaux empiriques en Afrique de l’ouest et centrale, privilégiant l’analyse de dispositifs et d’interactions qui se construisent à la faveur d’une démarche (étatique ou non) de valorisation (protection, qualification) des ressources, des savoirs, des métiers et productions locales, ce colloque cherchera à informer les questions suivantes :
1- Quelles sont les stratégies que l’on peut aujourd’hui mettre à jour, tant du côté de certains groupes d’artisans et praticiens que du côté des organismes d’appui, pour valoriser, qualifier des ressources (savoir-faire, produits..) ? En somme, comment se construisent ces « patrimoines » d’avenir et quels apprentissages nouveaux suscitent-ils ?
2- Selon quels processus, et surtout avec quels médiateurs et dispositifs de traduction, certains savoir-faire liés à des ressources spécifiques, sont-ils (ré)appropriés, (re)mobilisés ; quels sont les choix portés par les acteurs locaux dans ces processus, quelles sont les dimensions qu’ils y privilégient (économique, politique, éthique..), quelles sont surtout les normes et nouvelles configurations qu’ils y élaborent (en terme d’organisation des lieux, des métiers, des dispositifs de transmission et d’apprentissage) ?
3- Quels sont les effets mais aussi les risques actuels liés aux démarches qui tentent de localiser des ressources, des produits et savoir-faire associés ? Au-delà d’une ambition morale de protection de la nature (à travers ses ressources) ou d’un idéal de reconnaissance des techniques et des produits artisanaux spécifiques, associés à des cultures, idéal devenu peut-être emblématique de notre « société des terroirs », on s’interrogera ici sur les contenus et enjeux nécessairement politiques de ces processus de localisation, dans une époque qui privilégie les délocalisations, la standardisation des techniques, des produits, et l’homogénéisation des connaissances et compétences …
Ce colloque donnera une priorité aux études de cas traitant de savoir-faire artisanaux en Afrique, dans les secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire mais aussi de la métallurgie, de la santé.., . Il fait appel à des travaux empiriques, en anthropologie et plus largement en sciences sociales, permettant une analyse comparative des processus de localisation des ressources et savoir-faire. L’enjeu est de pouvoir construire une réflexion collective sur les outils théoriques mobilisables par l’anthropologie et les disciplines connexes pour analyser et/ou accompagner des processus de localisation/diffusion/circulation, de protection/qualification, des ressources et des savoir-faire ; afin de dégager des perspectives de renouvellement de nos approches des phénomènes de localisation/globalisation prenant en considération leurs articulations stratégiques à des processus d’apprentissage et à des formes ou dispositifs de reconnaissance et de patrimonialisation.
Les propositions de communication de 2500 signes sont à envoyer avant le 10 novembre 2008 à : contact-lcsfa@mmsh.univ-aix.fr
La sélection des communications retenues faite par un comité scientifique et sera annoncée le 30 novembre 2008
Les textes intégraux des communications sélectionnées devront parvenir aux organisateurs du colloque à : contact-lcsfa@mmsh.univ-aix.fr au plus tard le 31 janvier 2009
Les articles tirés des communications feront l’objet d’une publication de synthèse aux éditions des Presses universitaires de Provence
Date limite envoi des propositions
* lundi 10 novembre 2008
Contact
- MARTINELLI Bruno
courriel : martinelli (at) mmsh.univ-aix [point] fr
CEMAf, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, 5 rue du Château de l’Horloge, B.P. 647, 13094 AIX-EN-PROVENCE CEDEX 2 FRANCE
- MAIZI-MOITY Pascale
courriel : pascalemoity (at) hotmail [point] com
Institut des Régions Chaudes INNOVATION 951(INRA, CIRAD, Montpellier SupAgro)