"Les petites mains de la société de l’information" (—>15/04/2010)

Les petites mains de la société de l’information

Dossier en cours de finalisation coordonné par Jérôme Denis et David Pontille

Ce dossier de la Revue d’Anthropologie des Connaissances vise à prendre le contre-pied d’une conception de la société de l’information exclusivement focalisée sur les réseaux de télécommunications et la soi-disant “dématérialisation” des échanges. Il propose de rompre avec l’effet de transparence que crée l’image d’une société immatérielle, où les informations émergeraient et circuleraient naturellement. L’enjeu est de mettre en lumière l’épaisseur des infrastructures informationnelles au sein desquelles se fabriquent quotidiennement les données, documents et autres dossiers qui peuplent notre monde. Les articles attendus devront insister à la fois sur le travail que cette fabrication implique en coulisses et sur la matérialité des supports de circulation des informations.

Dans le domaine de la science, de rares travaux ont ouvert la voie à une telle perspective en pointant le rôle des techniciens invisibles et autres laborantins dans la production des savoirs. Ils documentent généralement les enjeux épistémiques et politiques qui fondent la mise en invisibilité de certaines activités. Mais ils sont très peu attentifs au travail concret, et souvent crucial, de ces acteurs dans les processus de production et de transformation qui aboutissent à l’existence d’informations et de connaissances.

Cette problématique est pourtant d’actualité. En comparaison avec la quantité d’études sur les publications académiques, on sait peu de choses sur la fabrication quotidienne d’ensembles plus ou moins vastes de données fiables et crédibles. Les activités de production et de maintenance des grands équipements scientifiques méritent de plus amples explorations, qu’il s’agisse de la gestion des quantités de données en physique des hautes énergies, de la construction des bases de données en sciences biomédicales, ou de l’élaboration de larges corpus en sciences humaines et sociales.

Mais la question du rôle des “petites mains” dans la production de l’information ne se réduit pas aux infrastructures scientifiques. Elle ouvre un vaste domaine de recherche qui concerne aussi directement les activités administratives, judiciaires ou commerciales. À l’ère de la fluidité électronique, où l’injonction est forte de faire passer rapidement les données d’un site à un autre, se pose très directement la question de l’organisation matérielle du traitement des informations. Le montage et le suivi de dossiers, la mise au point de formulaires, la création et la maintenance de bases de données, la gestion des flux et la production d’informations inédites s’appuient sur des technologies qui mêlent de diverses façons papier et électronique. Dans les activités juridiques ou bancaires, où les technologies de papier (chemises cartonnées, élastiques, trombones, boîtes à archives) gardent toute leur efficace pour la validité des dossiers, les tensions générées par certaines formes d’automatisation des tâches sont particulièrement vives. Dans les administrations ou les entreprises, la mise en forme des connaissances relatives aux usagers ou aux clients s’accompagne de pratiques de classement, de sauvegarde et de stockage des données qui restent à interroger.

Par ailleurs, la question de la valeur et la qualité des informations produites est dans ce contexte particulièrement sensibles. Souvent en position de subordonnés dans la division du travail, les “petites mains” détiennent des savoir-faire et des connaissances qui en font des maillons indispensables à la production et la circulation des données et des connaissances. Selon les secteurs, la place qui leur est donnée, la reconnaissance qui est faite ou non de la dimension productive de leur activité articulent étroitement la valeur des personnes, d’un côté, et celle des informations, de l’autre. Les façons de produire cette ligne de partage soulève des questions politiques et morales sur lesquelles les contributeurs sont invités à mettre l’accent.

Les articles attendus devront donc étudier le travail des petites mains qui produisent et font tenir, au jour le jour, la société de l’information. Ils devront impérativement s’appuyer sur des matériaux empiriques. Ce numéro cherche à embrasser divers secteurs d’activités, la liste des domaines d’investigation est volontairement large : les administrations publiques, les services commerciaux, les laboratoires de recherche, les bibliothèques, les métiers de l’information et de la communication, les instances judiciaires.

Calendrier :

15 Février 2010 Appel à publication
15 Avril 2010 Propositions d’article (problématique, méthodes et résumé des résultats, entre 2 000 et 2 500 mots, hors bibliographie)
15 Juin 2010 Acceptation des propositions
1er Décembre 2010 Soumission des articles complets
(65 000 caractères maximum)
1er Janvier 2011 Lancement des évaluations
1er Mars 2011 Retour des évaluateurs
1er Mai 2011 Version finale pour mise ne forme

Contact

Coordinateurs du dossier :

Jérôme Denis : jerome.denis@telecom-paristech.fr
David Pontille : pontille@ehess.fr