Appel à contributions : La surveillance des animaux, entre biosécurité et biodiversité - Dossier en cours de finalisation

La surveillance des animaux, entre biosécurité et biodiversité

COORDINATEURS DU DOSSIER : Nicolas Fortané et Frédéric Keck

  • Nicolas Fortané (INRA-RiTME) : nicolas.fortane@ivry.inra.fr
  • Frédéric Keck (CNRS-LAS) : frédéric.keck@college-de-france.fr

Depuis une vingtaine d’années, notamment avec les crises de la vache folle en Europe et de la grippe aviaire en Asie, de nouveaux dispositifs de surveillance se sont appliqués aux animaux visant non plus à les contrôler dans une optique de rendement agricole mais à les observer dans une perspective de préparation aux crises sanitaires à venir. Le « réservoir animal » est apparu comme un ensemble d’espèces entre lesquelles les pathogènes mutent avant de passer aux humains, en sorte que la surveillance de ces mutations et des populations animales au sein desquelles elles s’opèrent permet d’anticiper l’émergence de nouvelles maladies. Une telle transformation a profondément recomposé les rapports entre santé animale et santé humaine, selon des modalités qui peuvent prendre la forme de programmes internationaux, comme les initiatives « Un monde, une santé », ou de normes qui circulent entre les fermes, les marchés et les laboratoires, comme celle de la « biosécurité » (Lakoff et Collier, 2008). Dans ce numéro, il s’agira donc d’interroger cette transformation récente des dispositifs de surveillance, conçus comme un agencement de savoirs, de pratiques et de techniques, et la singularité de leurs effets et de leur fonctionnement lorsqu’ils s’appliquent aux animaux.

Une première série de questions vise tout d’abord à mieux comprendre les modalités pratiques, techniques et cognitives de cette surveillance des animaux qui se met en place sous le signe de la biosécurité. Peut-on la concevoir comme un élargissement des dispositifs élaborés dans certains domaines de la santé humaine, comme l’épidémiologie de terrain (Buton et Pierru, 2012) ? Quel est le rôle de savoirs formés au croisement de la santé humaine et de la santé animale, comme la microbiologie, l’épidémiologie ou encore la clinique (médicale comme vétérinaire), dans le suivi des pathogènes qui franchissent les barrières d’espèces (zoonoses) et reconfigurent la topologie des maladies infectieuses (Hinchliffe et. al., 2013) ? Comment ces différents savoirs ont-ils croisé leurs informations et leurs modes d’organisation ? Sur quelles pratiques et quelles relations sociales repose le fonctionnement de ces dispositifs (Barbier, 2006 ; Prete, 2008) ? Quels types de connaissances mais aussi d’ « ignorances » (Kleinman et Suryanarayanan, 2013) les techniques de surveillance (outils, protocoles, instruments de mesure, etc.) produisent-elles ?

Toutefois, au-delà de la particularité de ces dispositifs lorsqu’ils s’appliquent aux animaux et à leurs pathogènes, la surveillance de ce type de populations nous semble recouvrir quelques spécificités supplémentaires. Cette forme de gouvernement des risques sanitaires tend en effet à articuler les principes biosécuritaires de prévention et de préparation à une autre dimension, la préservation de la biodiversité et la maîtrise des risques environnementaux. En effet, si l’anticipation des crises sanitaires à venir constitue la maxime principale sur laquelle reposent la transformation et l’élargissement des dispositifs de surveillance, d’autres préoccupations parviennent néanmoins à s’y greffer. Les animaux peuvent être surveillés, mesurés, équipés (Benson, 2010) non seulement pour protéger les hommes de leurs pathogènes mais aussi pour les protéger des menaces environnementales causées par les humains. Une seconde série de questions vise donc à interroger les modalités à travers lesquelles la surveillance des animaux articule ces deux horizons. Comment l’intégration des animaux dans ces dispositifs sanitaires a-t-elle bouleversé des formes d’attachement qui leur préexistent, et en a-t-elle produit de nouveaux ? Comment la constitution d’animaux sentinelles (Keck, 2010), envoyant des signaux d’alerte sur les menaces à venir, produit-elle de nouveaux modes de relation entre humains et animaux, par-delà les oppositions admises entre le sauvage et le domestique (Fearnley, 2013), le naturel et l’artificiel (Nading, 2012) ? Quels outils permettent que la surveillance s’opère non seulement dans l’urgence de la mobilisation sanitaire, comme contrôle des animaux, mais aussi dans la durabilité des écosystèmes, comme soin et protection de ces mêmes êtres vivants (Manceron, 2013) ? Bref, dans quelle mesure les dispositifs de surveillance des animaux tendent-ils à articuler deux formes contemporaines de gouvernementalité qui leur sont attachées, à savoir la biosécurité et la biodiversité ?

Ces questions méritent d’être appréhendées à la croisée de plusieurs champs disciplinaires. Les contributions attendues peuvent s’appuyer sur l’anthropologie, la sociologie, les sciences and technologies studies, l’histoire ou la science politique afin de saisir les agencements de savoirs, de pratiques et de techniques qui composent ces dispositifs de surveillance des animaux. Nous attendons des études de cas détaillées et basées sur un riche matériau empirique, qui permettent de documenter à la fois la façon dont ces dispositifs ont été construits et la manière dont ils fonctionnent. En outre, l’examen de ces « nouveaux » modes de surveillance ne doit pas masquer le maintien et l’articulation avec dispositifs plus anciens, comme la quarantaine, l’abattage ou la vaccination (Woods, 2004 ; Berdah, 2010), en particulier lorsque la surveillance échoue et doit laisser place à des formes plus massives de gestion des populations animales.

(pour la bibliopgraphie voir texte en pdf ci-joint).

Modalités pratiques :

Un résumé de 5000 à 8000 signes doit être adressé aux coordinateurs avant le 15 avril 2014. Celui-ci présentera clairement le type d’approche envisagé, la problématique soulevée, la méthodologie et le matériau empirique mobilisés, ainsi qu’un bref plan de l’article. Les auteurs seront informés de la décision en mai et, pour ceux dont le résumé aura été retenu, seront invités à faire parvenir leur contribution de 60 000 signes pour le 15 septembre 2014.

Les articles devront être adressées aux coordinateurs du numéro et soumises en ligne sur la plateforme de la Revue d’Anthropologie des Connaissances (voir les instructions aux auteurs). Les auteurs devront se reporter aux instructions relatives à l’anonymisation des manuscrits, la présentation du texte et des références bibliographiques. Les contributions seront évaluées conjointement par les coordinateurs et le comité de rédaction de la revue, à qui reviendra la décision finale.

Les auteurs seront informés de l’avis du comité en décembre 2014 et, le cas échéant, devront renvoyer pour mars 2015 une seconde version de leur manuscrit prenant en compte les remarques formulées. La publication du dossier est prévue pour juin 2015.

Calendrier :

  1. . résumé pour le 15 avril (directement aux coordinateurs du numéro)
  2. . réponse aux contributeurs : 15 mai
  3. . articles complets : 15 septembre 2014 (sur le site OJS de la RAC)
  4. . réponse aux contributeurs : décembre 2014
  5. . articles terminés, version finale : mars 2015
  6. . publication du numéro : juin 2015

Les articles doivent être déposés sur le site de la Revue d’Anthropologie des Connaissances en utilisant la feuille de style de la revue et en respectant les règles de rédaction et notamment l’anonymat pour permettre une évaluation "en aveugle".