Autour de l’expertise

La constitution et l’institution de l’expertise fait l’objet de travaux depuis plusieurs dizaines d’années. De très nombreux travaux examinent le rôle joué par l’expertise en relation avec les enjeux sociétaux mais aussi l’étude des savoirs professionnels ou académiques. Ce sont les effets de ces savoirs mobilisés par l’expertise ou par une profession et sa juridiction sur tout ou partie de la société qui le plus souvent concentrent l’intérêt. Questionner l’expertise c’est toujours s’interroger sur la légitimité de ces savoirs et les formes d’action et de connaissance qui les fondent. L’étudier c’est aussi aborder les singularités, les agencements, les contingences historiques, les dispositifs par lesquels cette légitimité est fondée. Comprendre l’expertise comme un problème de société c’est aussi examiner comment les expériences vécues, les appuis conventionnels, les rapports de force modifient des ensembles cohérents de connaissances au moment de leur genèse et distribuent les connaissances différemment.

Cette attention que les sciences humaines et sociales peuvent porter à l’expertise forme un enjeu particulier pour nos propres professions intellectuelles et la connaissance elle-même En effet, l’expertise fait intrinsèquement partie de la société de la connaissance ; dès l’instant où elle est remise en question, l’ensemble de l’édifice est remis en cause, dans le fonctionnement de nos sociétés et de la démocratie. Voici pourquoi cette question de la légitimité de l’expertise retient l’attention des chercheurs dans plusieurs disciplines des sciences sociales et de manière trans-disciplinaire. La remise en cause des connaissances dans l’expertise a porté sur les procédures, la transparence, les compétences et leur légitimité ; le « tournant participatif » a donné un élan à ces débats qui apparaissent en général dans l’analyse des risques collectifs ou des situations de crise. De plus, au delà du fonctionnement politique de la cité, la manière dont se forme l’expertise elle-même, non pas dans ses effets et ses enjeux mais dans sa constitution, ses acteurs et les connaissances qu’elle mobilise mérite aussi notre attention..

Voici donc autant de pistes ouvertes pour justifier amplement que le comité de rédaction de la Revue d’Anthropologie des Connaissances ouvre un espace de débats et d’analyses sur les questions ouvertes par les études empiriques, les réflexions critiques, les considérations théoriques sur l’expertise.

Dès à présent deux propositions de dossier se sont manifestées (« Approche écologique et pragmatique des pratiques de l’expertise » et « Les nouveaux espaces politiques de l’expertise ». La Revue invite les chercheurs à y répondre mais aussi proposer de nouvelles analyses qu’il s’agisse d’expertise scientifique ou non, collective ou individuelle, au sein de comités ou sur d’autres scènes. Nous faisons l’hypothèse que cette question deviendra rapidement foisonnante et que nombre de thématiques apparaîtrons dans le futur. Ce qui mérite amplement de laisser cet appel à formuler des dossiers ou identifier des thématiques plus spécifiques.

Cette invitation est ouverte dans la durée. Elle devrait se traduire par la publication au cours du temps de plusieurs « dossiers thématiques » autour de la question de l’expertise. Les collègues sont invités à adresser leurs propositions à la Revue.